Le délit d’atteinte à la vie privée prévu par l’article 226-1 du Code pénal ne peut pas être retenu à l’encontre d’un salarié enregistrant son employeur à son insu, dès lors que l’entretien entre dans le cadre de l’activité professionnelle de ce dernier, quand bien même les propos seraient enregistrés dans un lieu privé (Cass. crim. 12-4-2023 n° 22-83.581 F-D)

Si l’enregistrement n’est pas pénalement répréhensible, il revêt néanmoins un caractère déloyal le rendant en principe irrecevable devant la juridiction prud’homale (cass. Soc., 6 février 2023, n°11-23738)

Toutefois, la Chambre sociale de la Cour de cassation admet la production d’éléments portant atteinte à la vie privée sous certaines conditions (Cass. Soc, 8 mars 2023, n°21-20798 ; 21-17802 et 21-20848) :

« 5. Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

6. En présence d’une preuve illicite, le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

7. La cour d’appel a d’abord constaté que l’employeur, d’une part, n’avait informé la salariée ni des finalités du dispositif de vidéosurveillance ni de la base juridique qui le justifiait, contrairement aux dispositions de l’article 32 de la loi du 6 janvier 1978 et, d’autre part, n’avait pas sollicité, pour la période considérée, l’autorisation préfectorale préalable exigée par les dispositions, alors applicables, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et des articles L. 223-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, ce dont elle a exactement déduit que les enregistrements litigieux extraits de la vidéosurveillance constituaient un moyen de preuve illicite.


8. Elle a ensuite relevé que, pour justifier du caractère indispensable de la production de la vidéosurveillance, la société faisait valoir que les enregistrements avaient permis de confirmer les soupçons de vol et d’abus de confiance à l’encontre de la salariée, révélés par un audit qu’elle avait mis en place au cours des mois de juin et juillet 2013 et qui avait mis en évidence de nombreuses irrégularités concernant l’enregistrement et l’encaissement en espèces des prestations effectuées par la salariée, tout en constatant que la société ne produisait pas cet audit dont elle faisait également état dans la lettre de licenciement.

9. De ces seules constatations et énonciations, dont il résulte que la production des enregistrements litigieux n’était pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur, dès lors que celui-ci disposait d’un autre moyen de preuve qu’il n’avait pas versé aux débats, peu important qu’elle ait ensuite estimé que la réalité de la faute reprochée à la salariée n’était pas établie par les autres pièces produites, la cour d’appel a pu déduire que les pièces litigieuses étaient irrecevables. »